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«  De tous les animaux qui s’élèvent dans l’air,

    Qui marchent sur la terre, ou nagent dans la mer,

    De Paris au Pérou, du Japon jusqu’à Rome,

    Le plus sot animal, à mon avis, c’est l’homme. »  

                                                                  Nicolas Boileau,  Satires, VII, 1667

 

Ces derniers jours Zoé, mon alter-ego, mon complice félin était triste …. Aucune vivacité, maigre repas, regard et poil bien ternes…  Bref, il n’allait pas bien ! Alors,  de lui-même,  il décida d’aller consulter son thaumaturge thérapeute favori,  Melchior, le sage hibou du parc des Cèdres. En un clin d’œil, Melchior compris que Zoé ne souffrait d’aucun trouble  physique, que le problème était tout autre.  Profitant d’un rayon de soleil, bien à l’abri d’un petit bosquet, ils engagèrent une longue conversation…

M.  Que t’arrive- t-il Zoé ? Je ne t’ai jamais vu ainsi. As-tu des soucis ? Explique-moi, si tu le désires. Nous avons le temps.

Z.   Je ne comprends pas pourquoi les hommes emploient le mot « ensauvagement » à tort et à travers, sans aucun respect  pour la faune, la flore sauvage, alors qu’ils désignent ainsi des actes horribles commis par leurs propres congénères.

M.  Tu as raison,  ils feraient mieux de réviser leurs classiques plutôt que de chercher des boucs émissaires en criant :  « haro sur le baudet ».

Tu n’es pas sans savoir que le mot "sauvage" vient du latin "silvaticus", adjectif dérivé du nom "silva" (forêt) qui a donné en français les mots "sylve", sylvestre", "sylviculture". Sauvage signifie donc "celui qui vit en liberté dans la nature,  qui n’a pas  subi de modification de la part de l’homme".

Z.   Ah oui, cela me rappelle  Pline l’Ancien : «  L’Animal est un être intelligent qui connaît ses besoins et sait ce qui lui est nécessaire, contrairement à l’homme ».

M.  En effet, nous savons parfaitement évoluer et nous adapter par nous-mêmes aux différentes conditions de vie. Ainsi  je trouve toujours amusant que les hommes soient surpris quand je leur enseigne que, bien avant leur arrivée parmi nous, un petit animal nommé miacis,  vivant il y a 50 millions d’années, ait pu donner naissance aux loups, aux ours et aux félins, donc à toi.

Z.   Oui, belle leçon pour les hommes ! Qu’ils fassent un peu preuve d’humilité ! Ils n’ont pas le monopole de l’évolution ! De plus, leur évolution n’est pas très glorieuse pour l’instant !

M.  Comble de leur mépris et de leur ignorance, ils se sont arrogé le droit de nous considérer comme des machines. N’est ce pas, Monsieur Descartes ?  Mais saluons Léonard de Vinci qui, peut-être parce qu’il était végétarien, a  eu une formidable intuition  :  « les animaux sont doués de sentiments  » !  Révolution copernicienne !

Z.   Evidemment que nous éprouvons des sentiments ! Qui l’ignore encore ? Ce n’est pas par hasard si  mes ancêtres étaient honorés dans l’Égypte Ancienne en servant de modèle et de référence à  la déesse  Bastet, déesse protectrice des femmes, des enfants, du foyer et de la musique. C'est pourquoi ils lui avaient donné l’autorisation de paraître sous les traits d’un chat.

M.  Les Grecs ne s’y prenaient pas différemment en représentant le dieu Pan, le protecteur des bergers et des troupeaux avec  des cornes et des pattes de bouc.

Z.   Et le dieu indien des voyageurs, Ganesh, arborait une tête d’éléphant, m’ont raconté mes cousins lions et tigres de là-bas.

 

M.  Les humains ont toujours été dans l’obligation de copier, de s’inspirer de nos qualités, de nos traits distinctifs, de nos vertus les plus naturelles, donc les plus sauvages, pour tenter d’exprimer ce qui constituait à leurs yeux l’indicible du sacré.

Z.   Oui, pourquoi ? Ils sont vraiment bizarres et aiment adorer ce qu’ils ont brûlé !

M.  Ils ont même inventé la métempsycose, cette croyance selon laquelle les âmes, après la mort, peuvent gagner une autre entité, végétale, animale ou humaine.  Platon l’affirmait.

Z.   Ah  non, pas moi ! Je refuse de me réincarner, surtout dans un corps humain ! Bien que... si les étoiles voulaient bien m'accueillir... Parfois, la nuit, je contemple les constellations, la Grande Ourse, le Bélier, le Taureau…

M.  ... le Lion, le Scorpion… ce qu’ils nomment les signes du Zodiaque… Mais pour les constellations tu as le choix, il y en a 88 ! Moi-même, je n’ai pu toutes les observer …

Z.   Si nous revenions sur terre ?

M.  Tu as raison.  Les Chinois  avaient aussi besoin de nous pour se représenter le monde. Ainsi, ils assimilaient les quatre points cardinaux à quatre animaux bien précis porteurs de symboles : le dragon azur à l’ Est (le bois),  la tortue noire au Nord (l’eau), le tigre blanc à l’Ouest  (le métal),  l’oiseau vermillon au Sud  (le feu). Ils  entouraient la licorne jaune au centre  (la Terre).

Z.   Je me demande ce que les humains seraient devenus si nous, les « sauvages », in their own words, n’avions pas été là pour les aider à comprendre ce qu’est la vie,  ce qu’est l’univers, pour  définir les priorités et les guider dans la quête du sens  de l’existence !

M.  En effet,  mon cher Watson ! Mais il commence à se faire tard.  Le soleil se couche, je dois aller remplir ma mission nocturne. Laisse-moi  te conter  cependant,  sans passer du coq à l’âne,  un fait historique  fort édifiant qui a eu lieu au Moyen Âge  dans la ville d’Autun où je me rends parfois.

La peste sévissait … en dépit de toutes les prières de l’Eglise. Que faire ? L’évêque  décida  alors d’excommunier les rats de la cité, considérés comme seuls responsables de ce terrible fléau. Un procès fut donc organisé  en grande pompe. À l’époque, un animal pouvait être poursuivi et traduit en justice pour un fait grave, par exemple s’attaquer à un homme.

Z.   Ils ont donc été condamnés... ?

M.  Non, heureusement ils ont bénéficié de la plaidoirie d’un avocat remarquable, et le jury les a innocentés.

Z.   C’est logique, ce ne sont pas les animaux qui sont malades de la peste, Monsieur de la Fontaine, ce sont les hommes, quand ils se comportent avec brutalité,  férocité,  barbarie et inhumanité, usant de barbarismes et de syllogismes outranciers !

Melchior et Zoé se saluèrent et se séparèrent avec gravité, songeant à une prochaine action commune afin de sensibiliser non seulement tous leurs amis à poils ou à plumes, mais l’ensemble de la population, au danger de cette terrible dérive.

Je leur laisse l’entière responsabilité de ces propos  qui nous interrogent. Qui sommes-nous pour juger ?

Si  tu as prochainement  un peu de temps libre,  n’hésite  pas à lire :

La Famille Fenouillard chez les Sioux, de  Georges  Colomb,  dit Christophe

Mes plus belles rencontres animales, d’Emmanuelle  Pouydebat

Le statut philosophique de l’animal : ni homme ni objet, de Georges Chapouthier

ou alors gagne une salle obscure pour découvrir :  Le Règne animal de Thomas Caillet (prix Louis-Delluc 2023)

Enfin, si tu croises des rennes, s’il te plait, sois gentil, laisse-leur la priorité ! Peut-être vont-ils jusqu’à Gaza ou en Ukraine …

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