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Interview

dans les jardins partagés

du Grand Chaignet

Qui a été à l’origine des jardins partagés du grand Chaignet à Quetigny ? À quelle date ? Comment cela s’est-il passé ?

 

Nicole : C’est la mairie qui les a mis en place. Il y a eu une réunion d’information et des stages de formation sur divers sujets : permaculture, aménagement de couches végétales (« lasagnes »), etc. Une association « senteurs et saveurs » a été constituée. L’inauguration a eu lieu en mai 2019.

En même temps a été mise en place une station de compostage dont Loïc et moi-même étions les référents, avec deux autres personnes qui ont quitté les jardins. Depuis le départ de Loïc, je suis la seule référente.

Nadia : Au début, nous étions une quinzaine de personnes, et ce nombre est monté plus tard jusqu’à 24.

Il y a un an, à la suite de conflits au sein de l’association, le centre social « La Passerelle » a repris la gestion des jardins il y a un an. Nous avions constitué une association sans président, sans trésorier, ni secrétaire — tout le monde avait le même statut — et c’est devenu très compliqué, quand il y avait des litiges, de régler les problèmes sans autorité liée au statut. Certain·e·s des jardinier·e·s ne partageaient pas la charte des valeurs prévue aux jardins ; nous nous sommes donc tournés vers La Passerelle pour qu’elle prenne le relais, et retrouver le plaisir de jardiner, sans nous occuper de la gestion d'une association. .

 

Actuellement, les jardins sont tous occupés ?

Nicole : Aujourd’hui, nous sommes une quinzaine de jardiniers. Au début, la Mairie voulait faire une quarantaine de parcelles ; mais le jour de l’inauguration, n’étant pas assez nombreux, nous avons décidé de faire des parcelles plus grandes, entre 12 et 16 m². Et il s’est avéré par la suite que c’était la bonne taille. Il y a encore des parcelles libres ; mais cette année, on a décidé de cultiver les parcelles libres en parcelles collectives.

 

Nadia : Nous avons aussi trois bacs en hauteur pour les personnes à mobilité réduite ou pour les personnes ayant des difficultés pour se baisser. Il y a même une parcelle pour la crèche « Les Moussaillons » qui se trouve à deux pas des jardins.

 

Qui sont les jardinier·e·s ? Des personnes du quartier uniquement ?

 

Nicole : Au début, c’étaient exclusivement des riverains du parc du Grand Chaignet. Une cinquantaine de personnes ont dit être intéressées, mais sur les 50, beaucoup ne sont pas venues. On les a rappelées. Ensuite, le périmètre des candidatures s’est élargi.

 

Nadia : J’habite côté avenue du Château, et il y a tout près les jardins partagés des Huches ; mais ce sont de tout petits carrés, et il n’y avait pas d’espace convivial de rencontre. Ici, ça m’attirait beaucoup plus.

 

Catherine : J’habite place Albert Camus. Je cultive une parcelle aux jardins familiaux, j’ai l’intention de candidater pour un jardin ici, c’est très proche et pratique. Les jardins familiaux, c’est très bien ; mais il faut pouvoir les cultiver : 50 m² minimum, et jusqu’à 300 m² pour certains !

         

Comment vous-organisez-vous pour gérer l’espace collectif, par exemple pour les plants, le compost, l’eau, etc. ?

 

Nadia : L'objectif est d’avoir une gestion collective, mais ça n’est pas toujours simple à mettre en place. Au début, on faisait des ateliers collectifs, on fixait une date et on décidait ensemble ce qu’il y avait à faire. Mais les gens ne venaient pas forcément, par manque de temps ou par crainte de tâches à accomplir. C’est La Passerelle qui gère maintenant : achat d’outils, par exemple, qu’elle stocke et qu’on peut utiliser quand on veut. C’est pratique. Nous avons la chance d’avoir des plantes par la serre municipale.

Cette forme vous convient mieux que la gestion par une association ?

Loïc : Oui. S’il y a la moindre animosité, ce qui ne devrait pas être puisqu’on est dans un esprit de partage, c’est La Passerelle qui gère ; du coup ça dédouane les personnes qui se mettent en avant.

 

Nicole : Cela n’empêche pas l’échange des messages entre jardiniers, et c’est quelquefois « rock’n roll »... On a un groupe WhatsApp, ce qui permet de communiquer pour les rendez-vous, etc.

 

Nadia : Malgré cela, certaines habitudes ont la vie dure, et nous restons parfois les interlocuteurs ou cibles privilégiés des jardiniers qui ont connu l'ancien fonctionnement. Mais nous pouvons dorénavant réorienter les litiges vers La Passerelle. Il faut du temps et de la patience pour que tout se mette en place. Les jardins sont ouverts à tous, on n’empêche pas l’accès à qui que ce soit. Il y a parfois différents niveaux de compréhension, quelquefois des problèmes liés à la langue d'origine, ou encore des malentendus. On est dans le social, il faut faire avec. Mais c'est aussi une richesse.

 

Vous aviez des cotisations ?

 

Loïc : Pas au début. Après, nous avons décidé d’une cotisation de 5 euros annuels. Actuellement, nous payons 20 euros de cotisation à La Passerelle pour l’ensemble des activités du Centre social, dont celle des jardins.

 

Y-a-t-il des intrusions dans les jardins, des vols ?

 

Nadia : Oui, l’année dernière il y a eu des moments où on nous a pratiquement tout volé !  Cette année, il y en a beaucoup moins...

 

Y a-t-il une solution à ça ?

 

Nicole : Non. Nous nous sommes cachées un soir pour surprendre les voleurs, mais on a mal calculé notre coup : le vol venait d’avoir lieu. On a demandé aux voisins d’être vigilants ; il y a eu des signalements à la police municipale, mais bon…

 

Loïc : Pourtant, à l’inverse des jardins municipaux, ici l’espace des jardins partagés est fermé. Chaque jardinier possède une clé.

 

Nadia : On a eu le signalement d’une riveraine qui a vu des personnes passer par-dessus le portail. D'autres se servant à travers la ganivelle… Mais nous donnons volontiers des légumes à qui en fait la demande.

 

Organisez-vous des fêtes, des moments conviviaux ?

 

Loïc : La première année, on a fait beaucoup de choses : repas communs, barbecues, et puis il y a eu le Covid, qui a ralenti — voire stoppé — nos activités, et cassé l’ambiance.

 

Nadia : de temps à autre, on se retrouve à La Passerelle qui organise ici aussi des moments conviviaux, des petites réunions à thèmes (vivre ensemble, règlement intérieur, séance de taille, de nettoyage des jardins, activités ludiques…).


Votre règlement intérieur est celui établi par La Passerelle ?

 

Loïc : On en avait un avant la reprise par La Passerelle, on l’avait fait évolutif, nous étions un peu dans un monde « Bisounours »... On s’est aperçu que ce n’était pas si simple. Certes, tout le monde ne peut pas avoir le même niveau d’investissement, mais on s’est aperçu que certains se contentaient de critiquer. Ça ne se passait pas bien, et c’est dommage.

 

Nicole : Certains n’ont pas compris qu’on cultivait naturellement dans un esprit permaculture et ont dit : « Nous, on continuera comme on a toujours fait ». Ils n’ont pas voulu évoluer dans le sens de l’esprit des jardins. Par exemple, on a eu beaucoup de mal à les convaincre de l’utilité du paillage. Maintenant, chacun fait ce qu’il veut. L’esprit initial projeté par la mairie au départ n’existe plus collectivement, même si quelques-uns continuent dans cet esprit.

 

Loïc : Ce qui est compliqué, c’est d’essayer de faire comprendre cet esprit à certaines personnes qui ne veulent rien entendre. Quand il y a de  nouvelles personnes, on en parle. La Passerelle n'a pas repris pour mission la gestion de cet aspect des jardins.

 

Catherine : Pour des nouvelles comme moi, par exemple, qui viennent de l’étranger, chacune vient avec ses connaissances, ses manières de faire : « Moi, je faisais comme ça chez moi »...  Mais au bout d’un moment, quand on voit que ça ne marche pas, on est obligé d’écouter les autres et de s’adapter !

 

Avez-vous suffisamment de végétaux pour pratiquer la permaculture, parce que la nature des sols ne s’y prête pas forcément ?

 

Nicole : On a quand même pas mal d’herbe, on a utilisé toute l’herbe des tontes accumulées depuis plusieurs années.

 

Loïc : En fin de culture, on laisse tout en place. Tout ce qui vient de la terre retourne à la terre. On ne bêche pas, on passe la grelinette deux fois dans l’année. On nous a aussi enseigné que dans la terre il y a des strates et qu’il ne faut pas retourner la terre, sinon elle meurt. Il y a un équilibre à trouver.

En permaculture on ne retourne pas la terre, on arrose moins, il y a moins de désherbage, pour conserver un sol plus vivant.

Nous avons à proximité une station de compostage. Nicole et moi nous en occupons avec deux autres personnes qui ont quitté les jardins. Des bacs sont mis à la disposition des habitant.es du quartier par la Métropole qui peuvent y déposer leurs déchets et récupérer le compost une fois par an lors du transvasement du bac de dépôt dans le bac de maturation.

Mais, faute d’information, les habitant.es ne viennent pas en chercher. De fait la station de compostage est sous-utilisée.

 

Le règlement intérieur interdit-il l’amendement chimique ?

 

Nicole : Oui, en principe... Pas de chimie ! Et même, à une époque, nous avions une tondeuse. Nous ne voulions pas d’engin à moteur pour avoir le calme et aussi respecter le voisinage. Il faut s’intégrer dans le lieu et respecter les riverains.

 

Et l’arrosage, comment ça se passe avec les restrictions d’eau ?

 

Nicole : On a toujours été dans l’esprit d’économie d’eau. Il y a des heures d’ouverture des robinets. Du fait du paillage, on n’arrose pas tous les jours. Et l’eau du robinet, ce n’est pas top à cause du chlore ; mais nous avons maintenant deux cuves de 1 m³ de récupération d’eau du toit de la pergola.

 

Êtes-vous satisfait-e-s de ces jardins et de votre expérience ?

 

Nadia : Oui, globalement ; je suis contente d’avoir rencontré des gens sympathiques et partagé cette expérience, et je peux aussi y venir avec mon chien, ce qui était un critère important pour moi.

 

Loïc : Il y a du plaisir à venir partager avec d’autres.  Maintenant j’ai fait un peu le tour de l’expérience ; il faut dire que j’habite un pavillon pas loin, et que je dispose d’un potager.

Il y avait des aspects qui m’agaçaient, certaines relations qui ne me plaisaient pas. Je suis resté jusqu’à ce que La Passerelle reprenne la gestion, je voulais que le projet continue.

 

Nicole : Lorsque la mairie nous a fait la formation au début, elle ne nous a pas prévenu·e·s qu’il faudrait gérer nous-mêmes et créer une association. Nous avons été surpris, mais on l’a fait quand même. On a pris une assurance, on a ouvert un compte en banque. Il y a eu une convention avec la municipalité concernant la mise à disposition du terrain pour 1 euro symbolique.

 

N'est-ce pas un peu frustrant pour vous de devoir déléguer votre gestion et votre organisation à La Passerelle ?

 

Nicole : Non, c’est plutôt un soulagement, même si on n’est pas toujours d’accord avec les responsables du centre social pour les jardins.

 

Loïc : Il y a eu des petites frustrations parce que certaines fois, La Passerelle a pris des décisions sans nous demander notre avis. Mais au total, nous nous sommes sentis moins  encombrés par les conflits.

 

Si vous aviez été plus nombreux, vous auriez maintenu l’association du début ?

 

Loïc : si on avait été plus nombreux, on aurait eu aussi plus de difficultés. Difficile de faire accepter un règlement intérieur, par exemple.

 

Nadia : Les gens ne veulent pas forcément s’investir dans le bureau d’une association ; c'est toujours compliqué de trouver des membres investis et des bénévoles.

 

Nicole : Je me souviens, les responsables de La Passerelle nous ont dit : « Nous, on sait faire avec les gens »... Mais, au vu du résultat, ils se rendent compte que c’est plus compliqué, car quand les gens ne veulent pas, ils ne veulent pas. On verra…

 

Quand vous organisez une petite fête, vous invitez les gens du quartier ?

 

Nicole : Non, pas pour l’instant. Et si d’autres personnes veulent venir se joindre à nous, pas de problème... mais on ne fait pas de pub.

 

Nadia : On est suffisamment nombreux sur cet espace pour assurer une convivialité. Pour accueillir plus de monde, il faudrait occuper l'espace à l'extérieur des jardins, mais c'est tout à fait possible. 

 

Avez-vous des projets pour améliorer, transformer, agrandir votre espace ?

Loïc :  Là, nous sommes sous la pergola promise il y a quatre ans par la municipalité...  J’ai bataillé pendant des années pour l’obtenir !

Le projet a finalement vu le jour après mon départ. 

 

Nicole : Au début, j’ai été surprise par l’aspect de la pergola que j’avais imaginé plus romantique, plus petite et arrondie. Finalement, je m’y habitue et la trouve pratique.

Nadia : Nous ne savions pas si ce projet allait aboutir. C'est finalement la Passerelle qui a réussi à obtenir cet abri. Moi j'en suis contente, il est juste à côté de mon jardin et je peux laisser mon chien à l'ombre. Il manque un peu de déco et ce sera plus joli. J'ai déjà installé un tableau avec "la légende du colibri" qui représente bien l'esprit des jardins partagés selon moi. 

 

Avez-vous de l’électricité dans les jardins ?

 

Tou·te·s : Non !

 

Avez-vous des contacts avec d’autres jardins partagés, par exemple celui des Huches ?

 

Nicole : On en a eu au début. La Passerelle nous a proposé des rencontres, mais c’était assez loin, et donc nous n’y sommes pas allé·e·s.

 

Loïc : À un moment, la mairie nous a demandé si nous voulions être rattachés au jardin des Huches. Nous avons refusé,  ayant suffisamment de problèmes sur notre espace. Aujourd’hui, nous n’avons pas vraiment de contact avec ce jardin. À une époque, on s’était rapproché des jardins familiaux pour avoir des prêts de matériel. Les responsables de ces jardins ne l’ont pas souhaité, au vu des difficultés rencontrées à l’occasion de tels prêts.

 

Merci à vous quatre pour votre accueil et vos réponses à nos questions !

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