Événement rare et important dans notre ville : une grève du personnel municipal a eu un impact significatif chez les habitants de Quetigny, qui ont découvert à cette occasion les revendications et les souffrances de personnes qui travaillent pour nous, dans des conditions souvent bien difficiles. Nous avons rencontré les représentant·e·s de la Coordination Syndicale Départementale CGT Côte d'Or, Sonia Chouchi et Cyril Vierjan, qui ont très volontiers, ainsi qu'un agent, répondu à nos questions.
Lorsque nous avons appris l’existence de ce conflit social à la mairie de Quetigny, nous avons été assez surpris. Ce n’est pas banal, surtout dans une municipalité de gauche... Quels sont les principales raisons du mouvement ?
Cyril : Il est clair que, depuis un moment, les choses couvent... Problématiques dans les services, problématiques de non-remplacement d'agents, problèmes de primes. La ville de Quetigny est entrée, en janvier 2024, en zone QPV (Quartiers prioritaires de la Politique de la Ville, anciennement ZUS, Zones Urbaines Sensibles). Michel Bachelard avait maintenu la prime pour les agents, via l'I.F.S.E. (Indemnité de Fonctions, de Sujétions et d’Expertise) quand Quetigny a cessé d'être en Z.U.S. en 2018.
En janvier 2024, les agents récupèrent la N.B.I. (Nouvelle Bonification Indiciaire) et, dans le même temps, on leur retire un montant identique sur leur I.F.S.E. Une mesure identique a été jugée illégale par le tribunal de Nîmes en février 2024. Les agents sont bien remontés par ce problème, ainsi que par le manque de personnel dans les services.
Nous sommes allés vous voir le vendredi 17 janvier devant la mairie, pour vous apporter notre soutien, et pour comprendre les raisons de votre mobilisation. Nous avons constaté que vous étiez nombreu·x·ses et déterminé·e·s, que le mouvement était fort suivi, dans plusieurs services municipaux différents. Pouvez-vous nous donner des chiffres à ce sujet ?
Cyril : 43 agents en grève sur 200 selon les chiffres d'agents déclarés grévistes transmis par la mairie, soit environ 25 % , malgré des actions de démobilisation, des pressions hiérarchiques, etc. Certains agents n'ont pas fait grève, ou simplement ne sont pas sortis devant la mairie.
Pouvez-vous nous citer quelques exemples significatifs des difficultés que vous avez rencontrées ? Quels sont les services municipaux où se posent le plus de problèmes ? Selon vous, pourquoi ?
Sonia et Cyril : Ce sont les services enfance-jeunesse, Château Services / C.C.A.S., France services, qui travaillent dans des conditions dégradées.
Agent : La crèche tourne bien. L'encadrement est correct, et nous avons des remplacements quand il y a des absences prolongées. Les revendications à la crèche tournent sur la revalorisation des salaires, la prime petite enfance promise par le gouvernement, la titularisation des agents et la revalorisation de la Nouvelle Bonification Indiciaire de la fonction publique...
Sonia : Un agent supplémentaire pour encadrer les enfants à l'entrée du collège serait bien... mais cela n'existe pas à Quetigny !
Il y a aussi un problème sur l'évaluation des agents. Ils sont évalués par des N + 1 ou N + 2 venant d'autres services, donc qui ne travaillent pas avec eux. Monsieur le Maire trouve ça normal !
Cyril : La médiathèque La Parenthèse... Très beau bâtiment, très cher, ouvert il y a un peu moins d'un an. C'est donc depuis plus d'un an que les agents attendent du personnel ! Le lieu est attrayant, et donc a amené plus d'inscriptions. Les agents absorbent la charge de travail supplémentaire des personnes non recrutées ou en arrêt maladie. La vitrine est belle, mais faut-il encore mettre le personnel nécessaire à l’intérieur de cette vitrine pour la faire fonctionner dans de bonnes CONDITIONS pour tous ! On me répond, par l'intermédiaire du Directeur Général des Services, que c'est en raison de contraintes budgétaires... mais une D.G.A. (Directrice Générale Adjointe de collectivité ou d'établissement public) a été embauchée, alors que, derrière, le personnel est en souffrance !
C'était moins tendu, avant ?
Sonia et Cyril : Après beaucoup d'échanges avec les agents, il s'avère qu'avec l'ancienne municipalité conduite par Michel Bachelard, il y avait plus d'humanité... Les demandes et problématiques sont moins entendues qu'auparavant. Les surcharges de travail sont plus nombreuses.
Y a-t-il eu un "effet Métropole" dans la dégradation des conditions de travail ?
Le fait d'être métropolisé a changé les choses. Des compétences sont parties, ou ont été transférées à la métropole. Par exemple, les agents informaticiens travaillent à distance, alors qu'ils aimaient bien leurs tâches sur Quetigny. Ils pouvaient intervenir très rapidement puisqu’ils étaient sur place, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
À la présentation de ses vœux (le soir de la grève), le maire a bien marqué le fait que les employés municipaux touchaient une prime...
Sonia : D'après le maire, les agents seraient mieux payés à Quetigny (13ème mois) qu'à Dijon... J'en doute ! En tout cas, à Dijon, les agents sont moins surchargés et subissent moins de maltraitance.
France Services rencontre-t-il des difficultés particulières ?
Cyril : Suite à des problèmes de "management" avec le chef de service pour 3 ou 4 agents, il a été décidé d'éclater le service ; des agent·e·s ont été déplacé·e·s sur des postes non choisis, par exemple sur un poste de comptabilité au service Enfance-Jeunesse. D'où moins d'agents pour gérer France Services, et donc importante surcharge de travail.
Par quelles organisations syndicales êtes-vous soutenu·e·s ?
Sonia : Seule la C.G.T. est présente actuellement.
Quelles actions ont été menées ? En préparez-vous d’autres ?
Sonia : Depuis 2014, il y a une distribution d'informations très régulièrement. Nous avons aussi mis en place des H.M.I. (Heures Mensuelles d'Info Syndicale) sur Quetigny, nous avons eu très peu d’agents car ceux-ci doivent déclarer à leur employeur qu’ils se rendent à ces heures d’infos. Et bien sûr, nous recevons des appels téléphoniques de personnes rencontrant des problèmes...
Les risques appelés " psycho-sociaux" sont importants. L'employeur est responsable de la santé physique, mentale et morale de ses agent·e·s. La souffrance au travail est une réalité.
Cyril : Le maire a assuré une entrevue avec la C.G.T. et les élues du personnel C.G.T. avant la grève, une autre le jour de la grève.
Il les rencontrera aussi dans leurs services une heure ou une heure trente. Une démarche de "Démocratie Sociale" devrait être mise en place, avec une participation de la C.G.T. et des agents ! Les contours de cette démarche restent à fixer...
Nous verrons l’utilité de cette démarche et nous ne nous laisserons pas enfermer dans de la réunionite aigue qui ne sert pas à grand-chose, sauf à dire : « On fait un pas vers vous, on discute pour le bien des agents, pour améliorer leurs conditions de travail »... Si nous constatons qu’il n’y a rien de concret derrière et notamment des vrais recrutements très rapidement, nous quitterons cette initiative si c’est juste pour marquer des points en disant : « on vous écoute », quoi !
Un tract de la CGT est prévu très rapidement, il sera distribué le 7 février afin de faire un retour aux agents sur les avancées du dossier et de les informer des engagements du Maire.
Après cette action, en préparez-vous d’autres ?
Cyril : Un document va être distribué, et après, on verra. Nous, on ne fait rien sans les agents, ce sont eux qui décident.
Au sujet de la rencontre avec le maire, la première adjointe, le Directeur Général des Services, une Directrice Générale Adjointe et le Directeur des Ressources Humaines le matin même du mouvement, vous contestez, bien sûr, le mot « négociations » ?
Sonia : Oui, le maire est resté très factuel sur le tract, il a retenu ce qui l’arrangeait. Il n’a pas supporté cette action.
Cyril : En chœur, le maire, la première adjointe et le DGS ont dit — en gros — « à la mairie de Quetigny, tout va bien »... alors que c’est loin d’être le cas ! On peut mettre la tête dans le sable, à mon avis ça ne va rien résoudre.
Cela à permis de faire constater à l’autorité territoriale que la CGT ne racontait pas de mensonges, qu’il existait de vrais problématiques, les agents ont pu s’exprimer librement, nous espérons simplement que cela n’aura pas de retombées sur les agents et que par exemple « le DGS continuera à dire BONJOUR à l’ensemble des agents présents ».
Pensez-vous que les grévistes, les agents en général, se sentent soutenus par les habitants de Quetigny ?
Cyril : Il n’y a pas eu d’action menée en direction des usagers. Ça peut être une étape à venir, par exemple au sujet de la crèche ou du sous-effectif à la médiathèque ; ça peut être aussi d’informer les usagers par rapport aux conditions de travail qu’ils subissent, mais pour l’instant, ça n’a pas encore été exploité. Alors oui, il y a des habitants qui disent régulièrement aux agents leur soutien, mais pour l’instant, c’est loin d’être une majorité.
Sonia : Oui, mais cette action a aussi permis aux usagers de prendre connaissance de ce qui se passe.
En effet, c’est une découverte pour beaucoup de gens, et nous compris !
Sonia : C’est passé aux infos du journal de France 3 Bourgogne, sur France Bleu, mais aussi sur Dijon Actualité ainsi que le Bien Public, ça leur permet de savoir ce qui se passe dans leur commune.
Le fait que Quetigny soit une ville de gauche a conduit les journalistes à se précipiter !
Sonia : En effet, ça a eu un retentissement sur toute la métropole, et il faut que les usagers soient au courant, parce que, comme disait Cyril, c’est du berceau aux seniors ! Il y a de réels problèmes, et des conditions d’accueil inadéquates. Soit, il y a une nouvelle crèche ; soit, il y a une belle médiathèque ; soit, pour les locaux, pas de problème ; mais il faut respecter les agents !
Cyril : Vous prenez l’exemple de la crèche. Autrefois, les repas étaient cuisinés sur place. Maintenant, au prétexte qu’on ne trouve pas d’agents pour préparer les repas, on fait appel à une société extérieure... Ça affecte la qualité du repas, les usagers sont mécontents, et c’est un bout de service public qui disparaît ! Quand c’est une ville de droite qui fait ça, ça ne m’étonne pas, mais Quetigny, quand même...
Les usagers, je pense qu’ils en sont aussi conscients, et que ça les dérange aussi. Quand je dis à Monsieur le Maire que je me demande s’il est vraiment de gauche, il n’apprécie pas trop !... mais je le ressens de cette façon-là par rapport aux choix politiques en direction des agents !
En tout cas, le mouvement constitue une prise de conscience.
Sonia : Il a intérêt à prendre en compte les conditions de travail des agents avant les élections !
Cyril : Oui, parce que la C.G.T. va lui coller aux baskets... On ne va pas laisser tomber.
Êtes-vous confiants ?
Cyril : Oui, bien sûr ! Ce que veulent les agents pour qui nous nous battons, dans l’immédiat, c’est des recrutements, sur les postes qui ont été promis, notamment à la médiathèque, à la maison de l’enfance et à Château Services, où les agents travaillent dans des conditions très dégradées.
Agent : C'est une question de pouvoir d'achat, pas d'effectifs ; et de titularisation du personnel en emplois précaires.
Sonia : Il y a aussi l’animation ! Il y avait pas mal d’animateurs devant la mairie vendredi... Et puis, ça reste des emplois précaires. Ils n’ont pas forcément des emplois à plein temps, ils ne sont pas forcément fonctionnaires, même s’ils sont « cédéisés ».
Cyril : Ce qui est revendiqué aussi par le service « jeunesse », c’est de ne plus être dans un local inadapté. Avant, ils étaient aux Cèdres (jusqu’en 2017, je crois) ; le bâtiment n’étant plus aux normes, ils ont été transférés aux Huches, et actuellement, pour le primaire (pas pour la maternelle), ils sont obligés de partager les locaux avec les enseignants. Ça fait contraste avec la médiathèque à plus de 5 millions d’euros, et avec la crèche à 3 millions... c’est ce qu’on appelle des choix politiques !
... ce qui ne remet pas en cause le principe et la création de la Parenthèse, un beau bâtiment, à condition qu’il y ait des usagers nombreux et satisfaits, ce qui semble être le cas...
En revanche, on peut critiquer le maire pour ses propos menaçants : à l’avenir, dans une situation comparable, il réfléchira deux fois avant d’accorder une prime ! Qu’en pensez-vous ?
Cyril : Lors de l’entretien avec les agents le vendredi, il a dit que la C.A.F. s’était engagée à accorder, chaque mois, 150 € pour les agents des crèches privées et 100 € pour ceux des crèches publiques. Et la municipalité a décidé de ne pas mettre ces aides en place, parce qu’elle ne savait pas si cela allait être pérennisé : le financement était prévu pour trois ans, sans trop savoir ce qu'il en serait au-delà... Difficile à comprendre pour les agents, privés de ces sommes au moins pour les trois premières années ! 100 € par mois, ça compte quand on est dans le bas des grilles indiciaires ! Et c’est bien un choix qui a été fait par la ville.
Agent : Pour les personnels de crèche, c'est avant tout une reconnaissance de leur métier qui s'exprime à travers le versement de cette prime, a côté du 13ème mois qui est versée à l'ensemble des agents quetignois. Et si les agents PE savent qu'elle n'est pas pérenne dès le départ, ils sont informés et c'est très bien. C'est toujours du "beurre dans les épinards" durant quelques mois...
Le soir même de la grève, nous étions à la cérémonie des vœux à Mendès-France. Le maire y a d’ailleurs fait allusion aux primes (ce n’était pas vraiment le lieu). Certains agents grévistes étaient présents ; que pensez-vous de cette participation ?
Cyril : Il faut dire que la date de la mobilisation n’a pas été choisie par hasard ! On a même hésité longuement à distribuer des tracts à l’entrée de la salle... C’était pour marquer le coup. Ça a dû les perturber toute la journée de se demander s’il y aurait un comité d’accueil ! (rires). Après, voilà ; tous les employés municipaux n’étaient pas en grève...
Sonia : Et le préavis de grève comportait la mention « d’une heure à une journée ». Chaque agent a fait son choix. Et puis, certains cadres, par exemple, ont choisi de faire grève sans se mettre en avant. Ça ne concerne pas que les agents de catégorie C !
Depuis le 17 janvier, le climat est-il devenu plus serein ?
Cyril : Quand on a commencé l’entretien du vendredi 17 au matin avec le maire, la première chose que j’ai dite est que les salariés qui avaient choisi d’être là et de s’exprimer devant le maire ne devaient en subir aucune conséquence. Ce que le Maire et le DGS ont tout de suite dénoncé en me demandant pourquoi je disais ça.
Pourtant, il y a une personne salariée à qui, depuis le lundi suivant, son autorité hiérarchique ne dit plus « bonjour ». Vous savez, le climat est pesant... Certains comportements doivent être améliorés ! Et cela ne date pas d’hier...
Qu’est-ce qui vous paraît le plus urgent ou important pour l’avenir ?
Cyril : Je peux vous dire que les agents ont élaboré toute une liste de ce qui n’allait pas :
- le recrutement sur les postes qui avaient été promis
- les conditions de travail à améliorer
- la prise en considération des problématiques des agents
Sonia : - et leur évolution de carrière.
Quelqu’un nous a dit que les problèmes concernaient surtout les personnes qui exercent dans les services « internes », et moins les agents travaillant à l’extérieur. Est-ce aussi votre constat ?
Cyril : Eh bien, on a appris qu’il y a des problèmes aussi dans les services techniques. Il est vrai qu’on a un peu de mal à entrer dans ce type de services ; il y a beaucoup d’hommes, qui hésitent à prendre la parole, et pas forcément de relais au sein des élus du personnel dans ces services.
Sonia : On ne les a pas encore vus. Ils sont plus à l’extérieur, entre eux. Mais on sait qu’il y a des gens en souffrance.
Depuis le 17 janvier, le climat est-il devenu plus serein ?
Sonia : Eh bien non ! Les tensions demeurent...
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